Bernard Leclaire tacle les organisateurs du « Congres des écrivains de la Caraibe » 2013

            
                                

              TRAGI-COMÉDIE
              AUTOUR D'UN CONGRÈS ! 

         Un Congrès des Écrivains de la Caraïbe en Guadeloupe doit pouvoir répondre avant tout à une exigence supérieure, laquelle est de savoir en quoi il doit promotionner la lecture et les écrivains du pays.

      Ce Congrès des Écrivains de la Caraïbe est tout à fait louable et indispensable dans son essence même, mais force est de constater qu’il loupe totalement sa vocation première.

            Il ne doit surtout pas être ni le miroir ni de « biten » de certains !

         En effet, il s’agit-là dès le départ d’une Association, et nous étions tous conviés à sa création.

         A priori, on pourrait penser qu’il y ait de temps en temps des réunions ou des discussions sur la problématique de l’écrit ou de la lecture chez nous ou dans une autre région de la Caraïbe.

         On pourrait essayer de réfléchir sur l’illettrisme et sur l’alphabétisme qui existent encore de nos jours dans cet archipel !

        On pourrait supposer que cette structure puisse donner la parole à ses membres sur l’organisation des différents événements  à venir. Parce qu’il n’y a pas essentiellement un Congrès à réaliser avec un tel tremplin.

     On pourrait espérer aborder les problèmes véritables qui gangrènent l’émergence d’une véritable édition parce qu’il n’y a pas d’écrivains sans des moyens modernes de diffusion de l’écrit.

         La Guadeloupe souffre depuis trop longtemps de cette désorganisation or  des personnalités ont essayé de mettre en place une ligne éditrice digne de ce nom. Mais il faut le dire, l’édition coûte très chère et nous ne sommes pas suffisamment « lecteur » pour pérenniser une société d’édition d’où l’exigence d’une diffusion désormais orientée vers la promotion des écrivains et du livre hors de Guadeloupe.


          En tout cas, cette problématique exige une réelle réflexion avant de vouloir se croire le centre du monde.  
          Lors de la manifestation de ce Congrès plus de la moitié des écrivains locaux n’ont pas été invités et ne sont pas du tout informés sur cet événement ni en amont ni en aval.
         Y aurait-il dès lors une volonté délibérée de nuire à la parole de certains au détriment des autres ?
         La Guadeloupe est un panier à crabes  où l’odeur des morts en-dessous galvanise ceux d’en-haut, mais l’on ne construit aucun édifice sur des fondations de puanteur.
         On pourrait se mettre ensemble, lors d’un tel Congrès, pour aller jusqu’à la provocation de l’histoire littéraire. Pourquoi ne pas avoir cette volonté de créer ou de promouvoir un nouveau courant littéraire, sachant que la Créolité date du début des années quatre-vingt-dix et que notre sociologie depuis a nettement changé et nos exigences avec ?

         De tous les courants littéraires, du Doudouisme à celui des  Créolistes, aucun n’est né ni d’écrivains guadeloupéens ni de Guadeloupe !

         Tout temps littéraire est en droit d’être dépassé, cela s’inscrit dans le principe même de la dialectique de la pensée d’une société donnée. Notre léthargie politique refléterait notre léthargie de la pensée et nous nous retrouvons dans l’impossibilité de recréer nos rêves a fortiori de les réaliser.

         Il n’existe pas de transmission dans notre pays – les derniers à avoir eu cette démarche étaient nos pères et mères – mais il y a une génération intermédiaire qui n’existe que par l’embourgeoisement d’eux-mêmes et de leurs pensées superficielles !
         Un peuple d’égoïstes a pris place corps et âme, méprisants alors l’essence fraternelle et légendaire d’un pays post-esclavagiste qui, en 150 ans, aurait déjà pu hisser son étendard à la cime du respect. Hélas !

         Le pays aujourd’hui va mal et notre inorganisation amplifie le désastre. J’en appelle à un sursaut éthique et civique pour mettre enfin les forces en présence en totale synergie. J’appelle à une rencontre du dire et du lire afin que demain exorcise définitivement les rancunes et les rancœurs d’hier. Il y a un pays à construire  qui s’appelle Guadeloupe – soyons les dignes fils du devenir et non de la division ! Ce pays a plus que jamais besoin de ses enfants et de tous ses enfants !


         Nous nous retrouvons avec nos propres fonds en train de faire la promotion et l'apologie de l’écrit des autres, or nous n’avançons nulle part en ce qui concerne notre propre production culturelle.

         Il n’existe même pas ici un club de relecture pour aider les éditeurs – il n’existe même pas un journaliste littéraire capable d’interroger dans le fond un auteur sur son écrit – il n’existe même pas une émission littéraire télévisée digne de ce nom qui soit habilitée à recevoir un écrivain au sujet de son œuvre.

                   Lors des différents débats télévisés, on aperçoit souvent des psychologues - des sociologues – des politologues etc. … mais on n’a jamais le point de vue d’un écrivain sur tel ou tel fait de Société. Ce pays méconnaît totalement ceux qui font la dynamique de l’écrit – de la pensée et de la réflexion.

        Par contre, on est souvent invité en milieu scolaire à la rencontre des jeunes  et c’est une excellente initiative. Dieu merci, les clubs de lecture aussi fonctionnent bien et soutiennent les œuvres locales par une invitation au dialogue avec ceux qui osent encore lire et surtout acheter un livre !

         Tous les deux ans nous avons droit à un Congrès, mais personne n’est au courant de rien du tout – dont toute manifestation dans son intégralité est organisée et décidée par des individus qui ipso facto écartent le reste de ceux qui font l'énergie même de l’écrit dans ce Pays ! 

         Or ce magnifique concept pourrait servir de tremplin pour promouvoir et développer l’écriture en général en Guadeloupe – pays où il n’y a rien qui se fait substantiellement, où il n’y a aucune nouveauté dans l’air sinon la victoire perpétuelle de l’empirisme  et du statut quo !

         Cette entité justement servirait à la créativité, à la stimulation – à la motivation de l’écrit mais aussi pourrait et devrait être  un événement exceptionnel pour la promotion de l’art dans son grand ensemble et aussi  un moteur de mise en lumière des émergences et de toutes les bonnes volontés dans le domaine du tout culturel !

         Un Congrès qui serait basé sur le signe de l’ouverture – de l’échange – de la communication – de la fraternité – de la convivialité – de l’organisation du futur – de l’espérance et de l’optimisme.
         Au contraire nous assistons à l’enfermement, au copinage, à l’étroitesse d’esprit, au clan, au parti-pris, à l’écartement, à la mise en quarantaine, à la ségrégation, à la mesquinerie et bien sûr à l’échec.

         Ce pays est trop petit pour laisser s’accumuler la division  et la stratégie du suicide collectif à tous niveaux ! Respectons-nous d’abord et le pays se portera bien mieux.
         La littérature est par excellence une matière qui rend gloire à la « pensée » – à toutes les pensées – il est évident que nous serons toujours plus intelligents à deux que seuls.
        Avons-nous le droit de refermer la porte sur celui qui vient derrière nous ?    
         Avons-nous le droit de nous autoproclamer ?
        Avons-nous le droit de fonctionner en maîtres et seigneurs ou d’être victime et bourreau en même temps ? 

         Comment peut-on alors mettre en place un Congrès des Écrivains de la Caraïbe en choisissant un auteur des USA – quand bien même  ce dernier dans ses écrits ferait l’éloge de la culture caribéenne ?

         Je pense que s’il fallait inviter un écrivain américain, il serait plus normal d’inviter Toni Morrison qui est une incroyable romancière, universitaire et aussi éditrice.  En plus, elle est tout à fait abordable et elle se ferait un grand plaisir à venir découvrir les Antilles Françaises. C’est là, une démarche déjà entreprise avec le Service Culturel du Lamentin dans le cadre d’un Salon du Livre qui devait se faire en 2009.

         En ce qui concerne l’emplacement du déroulement du Congrès – quelle belle idée de l’expatrier jusqu’à l’Hôtel Fort Royale ? Jusqu’à Deshaies !
Nous avons déjà de gros problèmes à ramener vers la littérature les gens, si en plus, nous leurs demandons de faire 150 kms pour venir découvrir notre Congrès, comprenez bien qu’il n’y a pas mieux pour un Congrès fantôme.

         Il y a un lieu, à aménager certes, mais qui représenterait bien le nouveau « Temple de la Culture » en ce moment – il s’agit de l’ancien aéroport du Raizet ! Nous détenons l’excellence de la destruction ! Voilà un site complètement délaissé qui, réaménagé – et sécurisé, pourrait répondre extraordinairement à la rencontre et à la promotion de l’écrit, de la lecture et de tous les Arts dans notre Pays.

         Je rêve d’un lieu où le sculpteur pourrait échanger avec le peintre – où le musicien pourrait échanger avec le cinéaste – où l’écrivain pourrait échanger avec le dramaturge – où l’étudiant en journalisme pourrait partager avec l’essayiste – où le poète enfin pourrait transmettre aux politiques son désir de rêve !
      Notre pays est un pays où il y aurait trop d’individualités – trop de personnalités fortes au détriment d’un consensus – d’un migan – d’un konwa – d’un chodaj créateur et salvateur vers un collectif libérateur.

         Tout le malheur de notre société passe par cette cacophonie du désespoir de nous-mêmes et contre nous-mêmes – le jour où la Guadeloupe, où les Guadeloupéens comprendront qu’ils ont la Responsabilité de leur Terre et de leur conscience, alors aucun Monde ne sera plus monde que le nôtre et nous bâtirons notre part d’humanité dans un univers qui est essentiellement en manque chronique de fraternité et d’amour.

Grand-Bourg le, 13/05/13
       B. Leclaire  

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